L’expérience mystique selon Jung

Carl Gustav Jung croyait que la prise de conscience de ses difficultés chez l’individu le mène à la lumière.
Jung croyait-il en Dieu? Quelles étaient donc les croyances religieuses du fondateur de la psychologie analytique et des concepts d’archétype, d’inconscient collectif et de synchronicité? Poser cette question de la relation qu’entretient Jung avec le divin constitue un acte immensément audacieux et courageux qui a plongé durant presque dix ans Luc Beaubien dans des abîmes de réflexion et de recherche. Le 24 avril, le nouveau docteur en philosophie soutenait sa thèse intitulée «L’expérience mystique selon C.G. Jung: la voie de l’individuation ou la réalisation du Soi».

«Jung était un scientifique qui, en tant que tel, disait qu’il ne pouvait pas prouver l’existence de Dieu, mais qu’il ne pouvait pas la nier non plus, explique Luc Beaubien. C’est pourtant quelqu’un qui va expérimenter Dieu de plusieurs manières, que ce soit à travers ses découvertes sur l’inconscient, les rêves ou les symboles. Il sait qu’en chaque être humain existe une petite voix intérieure, une intelligence et une force qui le poussent à se dépasser. À l’instar des grands sages de l’humanité, Jung possède une sagesse intemporelle et cherche à aller au-delà des apparences. Il croit qu’il y a quelque chose de plus grand que l’être humain et que chaque événement de l’existence a un sens. À cet égard, il y a certainement une dimension mystique chez lui.»

Résister tant bien que mal
Dans sa thèse dirigée par Thomas De Koninck, Luc Beaubien explore notamment la conception du mal chez Jung. Pour le grand psychiatre suisse, le mal prend racine dans la résistance, dans une volonté quasi démoniaque empêchant la parole d’émerger, avec le résultat qu’au bout du tunnel surgit la grande noirceur du refoulement au lieu de la lumière. «Dans celui qui s’abandonne dans l’ombre et accepte de voir ce que cache cette part d’ombre en lui, je serais porté à voir la présence de Dieu», disait Jung pour illustrer la nécessité pour l’être humain de faire face à ses démons plutôt que de se cacher la vérité. «Si vous ne vous occupez pas de votre ombre, c’est votre ombre qui s’occupera de vous», dit Luc Beaubien, traduisant bien l’importance de tenter de faire la lumière sur cette part en quelque sorte négative pour ne pas dire maléfique que chacun porte en lui. Qu’on pense à cet homme rongé par la jalousie qui assassine sa femme et ses enfants parce qu’il ne peut supporter l’idée de l’abandon. Sur le plan collectif, cette ombre se manifeste par des conflits, le racisme et la haine. Dans un cas comme dans l’autre, le manque de conscience face à ce qui est conduit tout droit au chaos.

«Jung considérait que le bien consistait à être en accord avec soi-même, souligne Luc Beaubien. Ce qui n’empêche pas qu’on doive garder l’œil ouvert sur ses zones d’ombre et ses refoulements. À ses yeux, ne pas résister à son inconscient et être à l’écoute de sa voix intérieure représentaient les chemins menant vers le bonheur. Il croyait ainsi que dès qu’une personne prenait conscience de ses difficultés, la partie était presque gagnée et que la lumière avait des chances d’advenir.»

Par Renée Larochelle

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